La vérité sous la pierre
Nos glorieux compagnons ce sont creusés les méninges pour se sortir de cette situation épineuse : comment convaincre Artanis Palvel de ne pas tous les massacrer ? Comment lui faire retrouver la raison sans en payer le prix fort
La roche suintait dans le boyau, une odeur de poussière vieille comme la honte, ou comme la peur. Au-dessus, l’orage labourait le ciel, et labourait la terre, l’œuvre d’Artanis Palvel, paladin de la foudre. Ou plutôt, l’ombre de ce qu’il lui restait d’âme, un anti paladin au service d’Azfgêtorial le prince démon. Les Corbeaux n’avaient plus d’alliés que leur souffle, leurs maigres objets magiques et un peu de chance rabattue au fond des poches.
Ils avaient cherché des réponses dans l’image de Théadora Palvel, la sœur. Une image, un dernier souffle qui se souvenait encore. Elle leur parla d’un frère bon autrefois, loyal même, puis d’Aeldiselle la dracoliche, de Querion le nécromant fou, de promesses murmurées par un démon presque trop patient. Alors Théadora avait pris la Pierre de Vérité et s’était enfuie, parce qu’on survit plus longtemps en courant qu’en tentant de donner raison aux dieux déchus. Elle dû traverser de nombreux plans, rejetée par la dame des douleurs, incomprise de la cité des louanges. Elle leur cacha la pierre de vérité. Elle se remémora la trahison des dieux quand son frère Artanis emprisonna l’Ahnasienne Shanatelor, celle qu’il devait protéger.

Elle fut poursuivie par son frère aux confins des mondes. Artanis possédait encore la pierre de vie, mais il n’aurait jamais la pierre de vérité. Elle se cacha longtemps, s’épuisant en sortilèges pour contrer la magie des démons. Elle réussit au prix de sa vie. Mourante, elle fît disparaitre la pierre de vérité. Mais elle attendait un signe, une révélation, une prémonition…
Ce jour vint. Et le rêve se matérialisa en un groupe de corbeaux, libre et chaotique sur le plan de la Canédie. Elle se mit alors en chemin pour les retrouver et c’est à Ator Grida, la cité du Sha Abad Morthos, qu’elle s’entretint avec Thâ, le sage roublard de la troupe des corbeaux. Elle lui indiqua où elle avait caché la pierre et pu enfin se laisser aller au mont céleste.
Non sans leur donner un dernier coup de pouce alors que le groupe de corbeaux était en difficulté face à une Hydre à 12 têtes. La magie de lumière qui aida le groupe à ce moment, alerta Artanis. Il sut immédiatement que sa sœur était sur la Canédie. Il s’engagea alors dans une recherche minutieuse sur le plan prison d’Haderzo.
Nos corbeaux entreprirent de retrouver la pierre. Ils avaient déjà récupéré le livre des errants. Enfin, le croyaient-ils à ce moment…
Cette quête les mena à K’Tal, la vieille cité-prison des Bâtisseurs, aujourd’hui creusée de ruines et gardée par de bien mauvais rêves. On dit qu’Haderzo y dort depuis si longtemps que la cité suinte son nom par toutes les fissures. On dit aussi que la prison fut fendue et que sa corruption, à défaut de son corps, y a engendré des serviteurs sans volonté : les Negaths, les maitres de la main morte.

Après quelques combats face à des vampires, des momies et des gnolls dans les faubourgs de K’Tal, ils réussirent à atteindre la tour qui gardait l’entrée de la cachette. Mais, Artanis retrouva la trace de la pierre. Là, alors que les corbeaux s’introduisaient dans le boyau qui descendait dans les profondeurs, Artanis frappa le Taal Arkhar au crâne, manquant de le tuer sur le coup. Le groupe se terra aussitôt.

Artanis sentait la pierre de vérité au plus profond de son être. Peut-être sentait-il aussi la présence de sa sœur, morte depuis peu, mais dont le souffle de son clone, gardait encore la pierre de vérité ?
Dans le boyau, le temps s’était plié. Une porte menait vers un temple enfoui, un portail vers un autre plan où Théadora Palvel attendait. Elle était plus qu’un reflet mais moins qu’une déesse. Des énigmes, des serments tenus, et la Pierre de Vérité changea de mains. Les corbeaux avaient réussis. À la surface, Artanis tenait la hauteur comme un bourreau tient l’estrade. Sortir sans mourir ne serait pas aisé. Ils retournèrent voir Théadora, comme une ultime chance de trouver une solution. Son pouvoir était faible, mais elle put apporter quelques réponses.
Ils réfléchirent tous. Leur plan était fou. Cela n’en était pas un. C’était un pari.
Zim Laden appela la foudre avec son bouclier, Kendal bondit dans l’aveuglement, mais c’est Thâ qui fit diversion. Un pas, un mot, une esquive pour acheter un battement de cœur. Les bottes d’Eskeinzern de Turin firent le reste : une lueur, la nuque du géant, le menton touché par la Pierre et puis plus rien. La Vérité a la politesse d’être brève.
Le coup passa, le ciel se déchira, fracassant la pierre de la tour et Artanis se volatilisa avec la Pierre de Vie. Les Corbeaux, eux, mesurèrent d’un coup la part de chair brulé qu’il leur restait.
Ils n’eurent pas le temps de compter leurs fractures. Une silhouette lumineuse tournoyait déjà : Zakaross, la dragonne d’or, sous le masque d’une femme blonde dont le regard pesait plus que l’acier. Elle était agée mais d’une grande beauté, habillée dans une robe blanche élégante et raffiné, brodée de fins fils d’or. Peut-être était-ce elle qui avait fait fuir le mage de guerre finalement. Elle leur proposa de venir avec elle à Ator Grida. Un de leur compagnon les attendait là-bas. Richèse Ademar, alias Fdack, alias Shezir d’Arimen. Et, ils exigèrent d’aller Savadîm.

Elle céda, contrariée. On ne dit pas non à ceux qui tombent et se relèvent, surtout si la chute suivante vous sera utile.
Pendant qu’ils traversaient la nuit, loin au sud, l’Empire Sohong encaissait et résistait du haut de son mur face aux Drakonians. Les écailles froides dans la nuit, précédées d’immenses armées Taures se heurtaient à la défense Sohong. Les pions d’Azroliark poussés d’une main patiente ne reculaient jamais.
« Le monde brûle souvent ailleurs. Les messagers arrivent toujours trop tard »
Savadîm avait l’odeur de la pierre mouillée et de l’orgueil mal porté. Ce territoire autrefois terres des ogres mages ne resplendissait plus qu’au sud. Le nord avait été ravagé par les guerres, et la mauvaise engeance profanait les forêts du nord toutes les nuits.

Garaskalouf les reçut en robe de chambre dans ses appartements. L’habit d’un demi-ogre qui sait que la magie se couche tard. Il les écouta et les aida au mieux. Il leur parla du tombeau de Shadrimonna, la Guérisseuse Athnasienne, vénérée chez les ogres dieux. Là-bas, disait-on, des silhouettes tournaient. Le sorcier avait donc envoyé deux éclaireurs pour mieux comprendre s’il y avait un danger. Les Corbeaux savaient déjà ce que c’était : des Negaths. On les reconnaît à cette façon qu’ils ont de refuser la lumière et de la boire quand même.
Les corbeaux demandèrent un autre service au dragon Zakaross afin que leur compagnon Fdack les rejoigne ici et non l’inverse. La dragonne de plus en plus agacée, céda une nouvelle fois et revint avec son envoyé Alros, Fuyu de Triges et le tant attendu Fdack. Ce dernier se présenta sous sa nouvelle identité, que je tairai pour le moment car, à ce stade, personne ne réussissait à le prononcer.
C’est ici que Zim réussit à capter l’attention du dragon femelle. Elle l’écouta raconter ses histoires au sujet des dragons de la Canédie. Parce qu’elle était pressée et intéressée, elle lui offrit un brassard pour communiquer à distance avec elle, par télépathie. Zim l’équipa sous son armure.
La journée fut très longue et les corbeaux allèrent se coucher aux aurores. Ils furent réveillés très tôt par un garde : les éclaireurs étaient annoncés. Leur compte-rendu fut très court. Personne n’avait rien volé dans le temple de Shadrimonna mais des silhouettes semblaient y faire des tours de garde. De plus ils apprirent qu’un être étrange de petite taille, habillé de noir s’approchait des faubourgs de Savadîm. Un des Negaths surement !
Les corbeaux allèrent enquêter en petit comité : Zim laden griffe d’ours, prince de la forge en la sainte forteresse d’Ikaya, Kendal l’assassin, Thâ la soluce et Fdack. Le groupe repéra le Negath, il avait brisé son miroir de communication. Ils le trouvèrent à l’orée des bois et lui firent sa fête rapidement. Cependant, les corbeaux savaient que le reste des Negaths ne tarderait pas à rappliquer. Ce qui advint. Zim et Kendal furent pétrifiés, immobilisés comme des statues auxquelles on aurait volé le nom. Thâ resta seul debout.
Il tenta de freiner un immense Taure Negath à la force de colosse qui voulait fracasser ses amis devenu roche. Cet ancien Taure défrichait à grand coup de hache les pièges magiques du roublard. Thâ réussît tout de même à attirer son attention, et même à se faufiler par-dessus un autre Negaths mage. Une cabriole au-dessus d’un mage noir et voici une lame qui parle à l’oreille pour une attaque sournoise d’anthologie !

« Jouer au faible et frapper où la peau est mince ».
Fdack courut à toutes jambes vers le grand palais de la cité pour avertir les autres corbeaux et alerter les autorités. Garaskalouf arriva avec la brutalité sèche des vieux sorciers mais les Negaths furent plus rapides et le ciel s’ouvrit sur un météore de Melf et une boule de feu.
En un instant, il ne resta plus personne debout. Garaskalouf téléporta aussitôt le reste de la troupe chez lui, ils venaient tous de se prendre une déculottée. Quant à ceux qui étaient trop loin, ils eurent la surprise d’avoir été sauvés par Shadrimonna elle-même.


